Commercial - 25/03/2022
La validité d’une mise en demeure adressée sous la forme d’une lettre RAR n’est pas conditionnée à sa réception effective
Cass. 1e civ. 20-1-2021 n° 19-20.680
La mise en demeure est un moyen pour le créancier d’exposer ce qu’il exige de son débiteur.
Elle ne créé pas d’obligation mais constate officiellement l’inexécution d’une obligation.
Elle peut être adressée quel que soit la nature du litige et avant d'envisager une procédure judiciaire de recouvrement de créance en incitant le débiteur à exécuter ses obligations.
Elle est également un préalable obligatoire aux poursuites judiciaires (article 1231 Code civil).
Depuis la récente réforme du droit des obligations, l’objet de la mise en demeure consiste en une interpellation suffisante du débiteur d’une obligation.
La mise en demeure permet de réclamer des dommages et intérêts, d’annuler un contrat, d’engager la responsabilité du débiteur, de suspendre l’obligation du créancier, de faire courir l’intérêt moratoire (pénalité financière).
La mise en demeure met également les risques à la charge du débiteur.
L’article
1344 du Code civil prévoit les différentes formes d’interpellation : une
sommation, un acte portant interpellation suffisante ou, si le contrat
le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation.
La
sommation est un acte onéreux, c’est pourquoi le législateur a prévu
l’alternative de l’acte portant interpellation suffisante.
L’acte doit ainsi exposer clairement la nature, la cause et l’étendue de l’obligation et indiquer au débiteur qu’il s’expose à une procédure judiciaire s’il ne remplit pas cette obligation dans un certain délai.
À tous les égards, la mise en demeure doit être suffisamment explicite et ne doit pas créer de confusion.
Elle peut prendre la forme d’une lettre
simple, d’une lettre recommandée avec accusé de réception, d’un
courrier électronique, même s'il apparait plus judicieux que le
créancier recourt à une lettre recommandée plutôt qu’à une lettre simple
car celle-ci lui octroie une preuve de son envoi grâce au récépissé de
La Poste.
Par exception, le contrat peut prévoir que le débiteur
sera mis en demeure par la seule exigibilité de l’obligation.
Ici, aucune condition de forme n’est requise.
Le créancier n’aura qu’à
simplement réclamer au débiteur l'exécution de l’obligation.
Avant
la décision du 20 janvier 2021 de la première chambre civile de la Cour
de cassation, il était permis de douter sur la validité d’une mise en
demeure sous forme de lettre recommandée avec avis de réception lorsque
celle-ci n’avait pas été réclamée auprès du bureau de poste.
Toutefois, il est possible de trouver des décisions antérieures à 2021 sur ce sujet :
• La Deuxième chambre protection sociale de la Cour d’Appel d’Amiens
avait retenu le 7 juillet 2020 (n° 19/04500) que le retour de la mise en
demeure à l’expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé »
n’avait pas d’importance si la lettre de mise en demeure avait été
correctement envoyée au débiteur.
• Pareillement, un
destinataire ne peut se prévaloir de la réception non effective d’un pli
recommandé s’il n’allègue aucune irrégularité dans l’accomplissement
des formalités de notification, dans l’adresse postale ou s’il n’avance
aucune circonstance l’ayant empêché de retirer ce pli pour prétendre
échapper aux délais dont la notification était le point de départ (Cour
de Cassation, Chambre sociale, du 30 novembre 1972, 71-13.401).
• Selon la jurisprudence administrative, le retour à l’administration du
pli recommandé avec la mention « avisé, non réclamé » n’empêche pas une
notification régulière si celle-ci a été faite à l’adresse déclarée par
l’intéressé et qu’il était en mesure de recevoir son courrier (Conseil
d’État, 5ème - 4ème chambres réunies, 31/03/2017, 389769).
La
Cour de cassation affirme désormais clairement que la mise en demeure de payer
adressée au débiteur par lettre RAR et non réclamée par ce dernier est
valable.
En l’espèce, la lettre de mise en demeure était retournée à l’expéditeur avec la mention « non réclamée ».
Les débiteurs soutenaient que la mise en demeure
n’était pas valable car ils ne l’avaient pas réceptionnée. Leur argument
consistait à dire que la notification par lettre RAR est reçue à la
date apposée par La poste lors de sa remise au destinataire (article 669
CPC) et est réputée valide lorsque l’avis de réception est signé par le
destinataire (article 670 CPC).
La Cour de cassation rejette
cet argument au motif que la mise en demeure n’est pas de nature
contentieuse mais repose sur l’article 1231 du Code civil.
En ce sens,
elle ne peut pas être soumise aux formalismes du Code de procédure
civile. Ainsi, le défaut de réception effective par le débiteur
n’affecte pas la validité de la mise en demeure adressée par lettre
recommandée.
Dans un arrêt du 11 juillet 2013 (n°12-18.034), la
deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait considéré que la
mise en demeure qui devait être adressée au débiteur avant d’engager une
procédure de recouvrement n’était pas de nature contentieuse.
A cet
effet, les dispositions relatives à la notification des actes du Code de
procédure civile n’étaient pas applicables, de sorte que le défaut de
réception effective de la mise en demeure adressée par lettre
recommandée n’affectait pas la validité de celle-ci.
La
solution retenue ici permet d’empêcher les débiteurs de mauvaise foi de
bloquer les moyens dont disposent les créanciers à leur égard.
Il
convient toutefois de rappeler que la mise en demeure n’obéit à aucun
formalisme, si ce n’est de réaliser une interpellation suffisante
(article 1344 Code civil).
Or, il semble difficilement envisageable
qu’une interpellation puisse être suffisante si le débiteur n’en a pas
connaissance. Un risque d’abus de la part des créanciers peut dès lors
exister, mais il sera, à notre sens, rigoureusement contrôlé par les juges du fond qui s'érigeront en garde fou.
Quelques Exemples concrets de l'intérêt de la mise en demeure :
Exemple 1 :
Une société ne paie pas une facture de fourniture. Son cocontractant qui a fourni le matériel pourra lui adresser une mise en demeure, avant d'envisager la mise en œuvre d'une procédure de recouvrement pouvant lui permettre d'obtenir une décision de justice à son encontre.
Exemple 2
Un propriétaire et un locataire ont
conclu un contrat de location. Plus tard, le preneur s’aperçoit que le
logement ne satisfait pas aux critères de décence prévus par la loi. Si
le bailleur ignore les demandes de réparation du locataire, ce dernier
pourra le mettre en demeure d’effectuer les travaux nécessaires.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit commercial, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les contrats d’assurance-vie.
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