VENTES AUTOMOBILES : LA MULTIPLICATION DES ARNAQUES AUX FAUX CHEQUES DE BANQUE

Droit auto - 23/11/2022

VENTES AUTOMOBILES : LA MULTIPLICATION DES ARNAQUES AUX FAUX CHEQUES DE BANQUE

CE QUE DOIVENT SAVOIR LES VICTIMES

Les techniques d’escroquerie aux faux chèques de banque


Lutter contre les arnaques aux faux chèques implique en premier lieu de connaître les techniques utilisées par les escrocs.


Les manœuvres employées par ces derniers sont de deux sortes :


-    La première consiste à remettre au vendeur un faux chèque de banque. Il s’agit là de la technique traditionnelle. (A)


-    La seconde, plus sophistiquée, consiste pour l’escroc à détourner un vrai chèque de banque. On parle d’escroquerie au “vrai faux” chèque de banque. (B)

A. L’escroquerie au faux chèque de banque

Dans cette hypothèse, la victime, qui a mis en ligne une annonce afin de vendre son véhicule, est contactée par un particulier se disant intéressé par le bien.


Après s’être entendu avec ce dernier pour procéder à l’opération, le vendeur se verra remettre un chèque de banque par l’acheteur, au prix précédemment déterminé, avant de lui délivrer les clés, le certificat de non-gage, la carte grise barrée et datée par ledit acheteur et, évidemment, le véhicule.


Le chèque remis s’avérera être un faux. Deux situations peuvent se présenter, selon l’objectif poursuivi par l’escroc:

➔    Il se peut que ce dernier ait pour seule fin d’obtenir gratuitement le véhicule. Il disparaîtra alors après la remise du bien. L’acheteur, quant à lui, ne sera jamais payé.

➔    Il se peut que ce dernier souhaite, non obtenir le véhicule, mais des fonds. Il sollicitera alors le vendeur de nouveau, soit afin d’obtenir le remboursement du chèque, prétendant ne pas être en capacité de procéder à l’opération, soit dans le but d’obtenir le paiement des frais de déplacements du véhicule (chose fréquente lorsque l’escroc se dit étranger). Croyant rembourser un vrai chèque, le vendeur donnera en réalité à l’escroc…son propre argent.


Les solutions juridiques offertes aux victimes


Pallier les difficultés inhérentes aux arnaques aux faux chèques, en particulier la perte de fonds, implique de connaître les solutions juridiques offertes aux victimes.


Ces remèdes résident dans les actions que ces dernières peuvent intenter à l’égard de l’acheteur ou du possesseur (A), de la banque (B) ou de l’assureur (C).

A. L’action en restitution contre le possesseur

Eût égard aux explications délivrées dans le I, le possesseur peut être:

➢  L’escroc auquel le vendeur a remis la voiture en contrepartie du faux chèque de banque ou du “vrai faux” chèque de banque.

➢  Le particulier ayant acheté la voiture auprès de l’escroc, par le biais de l’annonce mise en ligne par ce dernier après escroquerie du premier vendeur.

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles le possesseur pouvait être condamné à restituer à la victime le véhicule litigieux.


L’action ouverte par l’alinéa 2 de l’article 2276 du Code civil n’étant pas applicable à l’escroquerie , seule la preuve de la mauvaise foi du possesseur est à même d’ouvrir droit à la restitution du véhicule.

Si la preuve de la mauvaise foi se révèle aisée lorsque l’action en restitution est menée contre l’escroc lui-même (dès lors bien sûr que ce dernier est connu), elle est en revanche plus délicate lorsqu’elle concerne l’acheteur qui, en principe, ignore la combine mise en œuvre par l’escroc.


Il n’en demeure pas moins que le droit adopte une conception large de la mauvaise foi en matière d’arnaques aux faux chèques, ainsi qu’en témoigne la décision rendue par la cour d’appel de Riom le 3 décembre 2019.

En l’espèce, un vendeur payé par un faux chèque de banque, et dont le véhicule avait ultérieurement été acheté en espèces par un particulier, avait assigné ce dernier aux fins de se voir restituer le véhicule.


La cour d’appel de Riom a retenu la mauvaise foi de l’acheteur par le biais d’un faisceau d’indices : le particulier avait accepté le paiement en espèces car ce dernier était, selon ses déclarations, fort intéressé par le bien mis en vente et que le vendeur exigeait obligatoirement un paiement en espèces. Cet argument était insuffisant à faire échec à la restitution dès lors que le véhicule ne présentait “aucune caractéristique de rareté ou d’intérêt particulier, de nature à raisonnablement motiver un achat dans des conditions aussi peu ordinaires.”


La cour d’appel a plus généralement souligné le manque de vigilance dont a fait preuve l’acheteur (pas d’interrogation quant au fait que le vendeur exige les espèces comme moyen de paiement, orthographe erroné…).


En définitive, la victime pourra voir son véhicule restitué chaque fois que l’acheteur aura manqué de prudence et de diligence lors de la transaction.


Autant dire, eût égard à la sévérité de la cour à l’égard de l’acheteur, que le seul fait que la transaction ait eu lieu en espèces semble attester de cette mauvaise foi.


B. L’action en responsabilité contre la banque

La seconde possibilité offerte aux victimes d’arnaques aux faux chèques de banque est celle d’agir en responsabilité contre la banque.


Deux voies leur sont offertes en ce sens :


-   Agir en responsabilité contre la banque chargée de l’encaissement dudit chèque.


-  Agir en responsabilité contre la banque émettrice du chèque.



➔ L’action contre la banque chargée de l’encaissement

La jurisprudence subordonne le succès de cette action à l’existence d’anomalies apparentes, ainsi que l’a d’ailleurs expressément rappelé la cour d’appel de Fort-de-France dans son arrêt du 4 avril 2014.   


Un particulier, qui avait vendu son véhicule à un acheteur étranger, avait été payé du prix par un chèque de banque remis pour encaissement à son établissement bancaire, qui n’a signalé au vendeur la fausseté du chèque que quelques semaines plus tard.


Le vendeur a assigné l’établissement en responsabilité, lui faisant grief de ne pas avoir su déceler cette falsification lors de l’encaissement, ce qui l’aurait empêché d’effectuer un virement couvrant les frais de transport du véhicule litigieux au profit de l’acheteur.

La cour d’appel, sans surprise eût égard à ses précédents, retiendra que la banque chargée de l’encaissement avait commis une faute ayant concouru directement au dommage du vendeur “en ne relevant pas, dès sa remise à l’encaissement du chèque de banque, les grossières anomalies dont il était affecté et en le portant au crédit du compte de son client sans attendre, compte tenu de ces imperfections apparentes, son acceptation par la Banque tirée.

Cette décision met en lumière l’obligation, pour le banquier, de vérifier les “anomalies apparentes” des chèques, traditionnellement définies par la jurisprudence comme les anomalies que doit pouvoir déceler un employé de banque normalement diligent.

Toute victime d’une arnaque aux faux chèques de banque peut donc engager la responsabilité de la banque chargée de procéder à son encaissement, selon les conditions de droit commun de la responsabilité délictuelle : faute (dont la teneur vient d’être évoquée), préjudice et lien de causalité.


➔  L’action contre la banque émettrice du chèque

A défaut d’agir de pouvoir agir contre l’escroc, souvent introuvable, la possibilité est offerte aux victimes d’arnaques aux faux chèques de banque en matière automobile d’engager sous certaines réserves la responsabilité de la banque émettrice du chèque.


C’est ainsi que, dans une espèce où le vendeur s’est vu remettre la copie d’un vrai chèque de banque émis par le Crédit Agricole des Savoie , la victime a pu obtenir réparation partielle de la perte de chance d’échapper à l’escroquerie.


Cette dernière aurait en effet été privée de la possibilité de contrôler l’authenticité du chèque, car le vrai chèque, à l’instar de sa copie, n’était pas “conforme aux modèles de chèques de banque recommandés par la banque de France”.


La recommandation de mise en place d’un filigrane, effective au jour de l’émission du chèque, n’aurait pas été appliquée par le Crédit Agricole des Savoie.

Dès lors, les victimes d’arnaques aux faux chèques de banque disposent de la faculté d’engager la responsabilité de la banque émettrice dès lors qu’une faute, caractérisée par un manquement à ses obligations légales (filigrane, mentions), peut être relevée et a causé un dommage réparable au demandeur.


Il convient de ne pas ignorer la potentialité d’une faute de la victime. Cette faute peut résider dans l’absence de vérification des anomalies présentes sur le chèque, dès lors que ces anomalies sont “détectables par un particulier avisé et normalement prudent” ; elle peut encore résider dans la négligence du vendeur, qui a donné suite à l’opération de vente sans disposer de renseignements quant à l’identité de l’acheteur.

C.    L’action en indemnisation contre l’assureur

L’ultime possibilité offerte aux victimes d’arnaques aux faux chèques de banque est celle d’agir en indemnisation contre leur assureur.


La garantie de l’assureur résulte du croisement entre deux listes que sont, d’une part, la liste des risques couverts et, d’autre part, la liste des exclusions.


Ces dernières sont propres à chaque assureur, et résulte de la mise en œuvre d’une clause de garantie, laquelle peut être définie comme “la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie [...] en considération de circonstances particulières de réalisation du risque.”

Ces fondements posés, l’assuré doit avoir l’automatisme, en cas de litige avec son assureur, de reprendre son contrat d’assurance afin de vérifier les conditions dans lesquelles le sinistre est pris en charge ainsi que l’existence d’exclusions de garanties.


Et pour cause, assigner son assureur aux fins de le voir condamner à garantir une escroquerie qui n’entrerait pas dans le champ contractuel des risques assurés est en principe vain.


En principe, car faut-il encore que la clause d’exclusion stipulée dans le contrat d’assurance soit opposable à l’assuré. C’est sur ce sujet que s’est prononcée la cour d’appel de Douai dans sa décision du 2 mars 2017 .

En l’espèce, un particulier avait conclu un contrat d’assurance automobile tout risque auprès de la société AXA. Le chèque de banque qui lui avait été remis à l’occasion de la vente du véhicule garanti par ledit contrat s’est avéré être un faux titre de paiement. Le vendeur a alors assigné son assurance aux fins de la voir condamnée à garantir le sinistre escroquerie subi.


A l’appui de son appel, le vendeur avait notamment souligné que la société AXA avait manqué à son devoir de conseil et d’information en ne l’informant pas des exclusions de garantie prévues par le contrat .


C’est l’argument que retiendra la cour d’appel de Douai pour infirmer partiellement le jugement et condamner la société AXA à payer à l’appelante la somme correspondant à la valeur du véhicule au jour du sinistre.


Elle jugera en effet qu’est inopposable à l’assuré la clause d’exclusion de garantie dont n’a pas été informée celui-ci “au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre.”, étant précisé que le devoir d’information de l’assureur consiste à remettre à l’assuré une fiche d’information décrivant les garanties et les exclusions, conformément à l’article L112-2 du Code des assurances.  

En somme, la possibilité est offerte à l’assuré victime d’une arnaque aux faux chèques de banque en matière automobile, qui n’aurait pas été informé des exclusions de garanties au contrat d’assurance par le biais d’une fiche d’information, de se prévaloir de l'inopposabilité de la garantie d’exclusion afin d’obtenir la condamnation de l’assureur au paiement de la valeur du véhicule au jour de l’escroquerie.

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