Bancaire & voies d’exécution - 07/10/2022
Comment les victimes peuvent elles être indemnisées ?
Si l’univers du placement financier fut pendant longtemps un espace cloisonné à quelques produits définis, force est de constater que ses limites sont depuis quelques années en pleine expansion.
Avec le développement effréné de nouveaux éléments à disposition de tous les investisseurs, novices comme chevronnés, les habitudes en matière d’épargne et de placements financiers évoluent.
Plus qu’une simple diversification des placements proposés, c’est d’abord une véritable automatisation du processus qui s’opère, par la numérisation quasi-complète de l’opération sur internet. La décision d’investir se résume ainsi en quelques simples ‘clics’.
C’est d’ailleurs cette accessibilité, souvent via des plateformes en ligne, qui conduit à une désintermédiation de l’opération, changeant les rapports que pouvaient entretenir les petits porteurs avec leurs conseillers bancaires.
Ces derniers sont mécaniquement écartés, puisque proposant habituellement des solutions reconnues pour leurs faibles rendements. Enfin, le phénomène s’accroît par une massification des éléments d’actifs proposés.
Il n’est pas rare d’observer en pratique de nombreux investisseurs en herbe s’essayer à la spéculation sur des objets financiers pourtant très complexes, à l’image du Forex – ou marché des changes.
Ces actifs sont souvent présentés comme susceptibles de fournir des rendements très attractifs, sans préciser que les risques qui y sont attachés sont eux aussi accrus. Au-delà de la volatilité du marché, les placements proposés sont aujourd’hui connus pour appartenir, dans de nombreux cas, à des montages d’escroqueries financières bien organisés.
C’est sur ce danger qu’appuient régulièrement l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), la DGCCRF ou encore le Parquet de Paris dans divers avis, et notamment dans des travaux conjoints sur la prévention contre de telles arnaques portées sur le Forex, les options binaires et autres arnaques en ligne (diamant...etc)
Menant à des pertes en capital conséquentes pour l’ensemble des investisseurs déçus, les victimes peinent aujourd’hui à obtenir un remboursement des sommes versées à ces plateformes frauduleuses, et dont la promesse de rendements sans commune mesure n’aura jamais été tenue.
Le développement des arnaques au Forex (et plus généralement, des arnaques au placement en ligne) est à rattacher à un contexte de crise, dans lequel les épargnants cherchent un investissement plus avantageux que le simple Livret A.
Cet effet s’accentue encore dans les actuelles circonstances d’inflation soutenue, et de gel des taux d’intérêts.
Ainsi, par appât du gain, mais également face à l’ingéniosité des escrocs, nombreux sont ceux qui s’essayent à ce genre de placement atypiques, à l’image du Forex et des options binaires. Sous la pression publicitaire souvent trompeuse, les victimes de telles arnaques sont pourtant initialement satisfaites de trouver une interface soignée, ergonomique et facilement accessible pour faire fructifier leur argent.
Méconnaissant souvent les fondamentaux du couple rendement/risque, leur situation s’envenime lorsque leur argent se révèle bloqué sur le site frauduleux, ou pire, lorsque ce dernier est tout simplement fermé par son auteur, qui disparait avec lui.
Les pertes en capital pour les épargnants peuvent être colossales.
D’abord lorsqu’elles sont constituées par une escroquerie, menant à une impossibilité de récupérer les sommes en raison d’une disparition des intermédiaires ou de la plateforme sur laquelle elles ont été déposées.
Ensuite, puisque d’importants montants sont également perdus chaque année au sein du marché encadré des Forex. L’AMF concluait que 90% des clients étaient perdants, même sur les plateformes autorisées par les régulateurs.
Les autorités de régulation, agissant en observateurs de la catastrophe, et du manque à gagner pour les épargnant, agissent de concert pour limiter les pertes et sensibiliser les investisseurs aux risques auxquels ils sont confrontés.
Elles entreprennent ainsi plusieurs actions dans un but commun : celui de restreindre au maximum la prolifération du phénomène.
Sensibilisation et prévention
Une première action est celle de la prévention et de la sensibilisation.
L’AMF, l’ACPR, la DGCCRF et même le Parquet de Paris rendent encore régulièrement des avis complets sur le sujet afin de vulgariser le fonctionnement des plateformes de trading et de mettre en lumière les pertes prévisibles.
Les campagnes de prévention se matérialisent principalement par des initiatives pédagogiques largement reprises par la presse, mais aussi par la mise à disposition de services d’informations à l’écoute du public via AMF Epargne Info Service, ou enfin par la publication de nombreuses infographies directement sur leurs sites internet respectifs.
Enquêtes et liste noire
Leur mobilisation est ensuite caractérisée par plusieurs actions positives dans la lutte contre les fraudes. On retrouve à ce titre le développement des enquêtes contre plusieurs plateformes non autorisées, menant à des poursuites et de potentielles sanctions. L’ensemble des plateformes non autorisées fait l’objet d’une liste noire publiée et tenue à jour par l’AMF, accessible sur son site internet.
Il est d’ailleurs vivement conseillé de systématiquement vérifier si l’intermédiaire litigieux ne fait pas partie d’une telle liste.
Pour illustrer, sont par exemple présentes en liste noire les plateformes East Capital Market et Prepaid Financial Service Ltd.
Ces plateformes ont en effet fait l’objet de procédures de sanctions, menant à les catégoriser comme acteurs litigieux en matière de trading, en Forex notamment.
Pour la première, elle figure depuis peu au rang des plateformes de broker Forex non-autorisés par l’AMF. Elle s’inscrit ainsi comme plateforme à éviter depuis le 30 mars 2022.
Pour la seconde, l’ACPR, dans sa Commission des sanctions , soulève un total de sept griefs incompatibles avec l’activité nominale d’une telle plateforme, et lui inflige une amende d’un million d’euros. Ainsi, en 2019, elle relève que Prepaid Financial Service Ltd manque à ses obligations de vérification de l’identité et de connaissance des clients porteurs de la monnaie électronique qu’elle émet (griefs 1 et 2) ; que les informations recueillies sur le mode de règlement des opérations de rechargement des cartes prépayées étaient également insuffisantes (grief 3) ; que plusieurs carences à ses obligations d’examen renforcé (grief 4) et de déclaration de soupçon ont en outre été relevées (grief 6) ; que, dans un nombre significatif de cas, son représentant permanent n’a pas informé Tracfin d’opérations qu’elle analysait comme suspectes (grief 5) ; qu’enfin, son dispositif de gel des avoirs était lacunaire (grief 7) .
Si la liste noire est souvent actualisée, elle ne peut toutefois être exhaustive, notamment en raison de la multiplicité des acteurs sur le marché, et de la rapidité avec laquelle les structures sont construites. Les autorités de régulation insistent sur la prudence dont chacun doit faire preuve dans la gestion de son épargne afin d’éviter toute perte massive en capital au profit de bénéfices illusoires.
Les autorités de régulation ont aussi donné l’impulsion nécessaire à la
création de voies juridiques propres à affronter les dérives. En ce
sens, il est désormais possible d’obtenir du juge le blocage de sites
non autorisés.
Pour la plupart des victimes, il est fortement
conseillé de déposer plainte rapidement contre de tels escrocs, par le
biais d’une plainte contre X lorsque ces derniers ne sont pas clairement
identifiables. Il convient, pour étayer le dossier, de fournir
également tout document, communication, et preuve de versement qui
conduiraient à éclairer le mécanisme de l’arnaque, et facilitant la
recherche de ses auteurs.
Puisque l’action pénale et la plainte
qui la précède ne présente que de minces chances d’aboutir, faute de
pouvoir engager la responsabilité d’un intermédiaire volatilisé, les
victimes de telles escroqueries sont dues envisager de se retourner vers
les établissements de crédits ayant participé aux opérations dénoncées.
Invoquer le manquement au devoir de vigilance reste la solution la plus pertinent pour la victime qui souhaite être indemnisée.
Il est de
jurisprudence constante, en effet, que le banquier est tenu à une obligation de
vigilance particulière en ce qui concerne les mouvements et transactions
intervenus sur le compte de ses clients.
Cette vigilance se
distingue de celle imposée dans le cadre de la lutte contre le
blanchiment et le financement du terrorisme.
La victime d’agissements
frauduleux en matière de Forex ne peut ainsi se prévaloir d’un
manquement à une telle obligation pour réclamer le versement de
dommages-intérêts. La solution est logiquement admise en jurisprudence,
notamment du fait que la finalité de tels textes est de préserver
l’intérêt général .
En matière de placements financiers, et
notamment du Forex, le banquier doit s’assurer que les opérations
réalisées par ses clients ne présentent aucune anomalie matérielle ou
intellectuelle.
Les premières se définissent comme affectant le
titre ou le contrat lui-même.
Cette première classe d’anomalies n’est
que peu pertinente en la matière, puisque la victime est effectivement à
l’origine du versement litigieux.
Les secondes portent plus
généralement sur les circonstances dans lesquelles l’opération est
effectuée.
Le contentieux en la matière est très riche, et présente plusieurs points d’attention.
La jurisprudence invite alors à se pencher
sur le volume des sommes versées, puisque dans beaucoup de cas, les
montants sont importants . Le faisceau d’indice est renforcé par une
analyse de la fréquence des transactions , ou enfin une vérification du
destinataire des fonds, et notamment en présence d’éléments d’extranéité
. Autant d’éléments peuvent conduire les tribunaux à condamner la
banque si les versements auraient manifestement dû faire l’objet
d’alertes pour la banque, actionnant ainsi son devoir de vigilance et
prévenant tout dommage.
L’anomalie est en outre plus facilement
détectable lorsque la banque connait les habitudes de son client. Son
devoir est par conséquent renforcé parallèlement à l’âge ou à la
fidélité de la victime.
S’il est difficile d’invoquer un manquement pour de nouveaux clients, un épargnant qui aurait toujours laissé ses comptes à disposition d’un unique établissement de crédit pourrait plus facilement tenter d’actionner la responsabilité de ce dernier. La démarche est donc fortement liée à des éléments purement subjectifs, menant les juges à une appréciation in concreto de la situation.
Le jeu peut en valoir la chandelle!
Il est essentiel de se faire conseiller et assister d’un avocat pour engager ce type de recours.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit bancaire, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les investissements financiers.
Pour le contacter, appelez-le au
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