Consommation - 08/12/2022
Cass. 1e civ. 19-5-2021 n° 20-12.520
En droit, pour qu’une action en justice soit recevable, celle-ci ne doit pas être prescrite. La prescription est un principe selon lequel l’écoulement d’un certain délai empêche l’exercice d’une action.
En matière d’action en paiement d’une prestation, l’article L218-2 du code de la consommation énonce que :
« L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».
Sous cette prescription biennale, les demandeurs professionnels disposent donc de deux ans pour engager une action en justice.
Toutefois, cet article ne précise pas quel est le point de départ du délai de prescription.
C'est la jurisprudence qui est venue apporter des précisions concernant sur cette aspect du régime juridique de la prescription des actions des professionnels contre les consommateurs.
Pour cela, il faut en principe se référer à l’article 2224 du Code civil qui fixe ce dernier au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (point de départ de droit commun).
Toutefois, la jurisprudence prenait, jusqu'ici, comme point de départ la date d'émission de la facture du professionnel.
Problème : le professionnel pouvait être tenté de décaler l'émission de sa facture à une date bien postérieure à l'achèvement de sa prestation, dans le seul but de rendre son action en paiement recevable le plus longtemps possible...
1. Concernant les actions en paiement introduites par un professionnel contre un consommateur
Avant
l’arrêt du 19 mai 2021, la jurisprudence constante de la Cour de
cassation admettait qu’un professionnel disposait d’un délai de deux ans
à compter de l’établissement de la facture pour intenter une action en
justice contre un consommateur (Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-10.908).
En
conséquence, le professionnel pouvait retarder à loisir sa facture pour
retarder le point de départ du délai de la prescription.
Ce n'est plus possible désormais.
2. Concernant les actions en paiement introduites entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants
En
matière d’actions en paiement introduites entre commerçants ou entre
commerçants et non commerçants, une prescription quinquennale (de 5 ans) est prévue
par l’article L110-4 du code de commerce.
A l’occasion d’un
arrêt rendu le 26 février 2020, la chambre commerciale de la Cour de
cassation a considéré que l’action d’un créancier connaissant, dès
l’achèvement des prestations, les faits lui permettant d’exercer son
action en paiement de leur prix, est prescrite par cinq ans après cet
achèvement.
La date de l’établissement de la facture n’a aucune
importance ici (Com. 26 févr. 2020, n° 18-25.036).
Pour répondre aux critiques de la doctrine sur la différence de
traitement entre consommateur et professionnel et en vue d’harmoniser le
point de départ des délais de prescription des actions en paiement de
prestations de services, la première chambre civile de la Haute juridiction est venue
opérer un revirement de jurisprudence dans sa décision du 19 mai 2021.
Elle fixe en effet désormais le point de départ du délai de prescription des actions
en paiement de travaux et services au jour de l’achèvement des travaux
ou de l’exécution des prestations.
Désormais, la date de l’établissement
de la facture n’est plus prise en compte.
En somme, le
professionnel dispose de deux ans à partir de l’achèvement des
prestations qui lui ont été confiées pour exiger son droit de créance
sur le consommateur.
La
Cour de cassation a tempéré sa solution dans un second temps en
retenant la date d’établissement de la facture au motif que le
professionnel se voyait privé de son droit d’accès au juge garanti par
la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme.
En l’espèce,
la Cour d’Appel avait constaté que la facture avait été établie par la
société sept mois après l’achèvement des travaux.
A cet égard,
le fait de fixer le point de départ de la prescription au jour
d’établissement de la facture revient à donner au professionnel la
maîtrise du déclenchement du cours de la prescription.
Toutefois, il apparait injustifié que le consommateur supporte le retard de l’établissement de la facture du professionnel.
Seul hic : cette
réserve émise par la chambre première chambre civile apparait cependant en
contradiction avec l’objectif de protection du consommateur poursuivi
par le code de la consommation et avec le principe de la prescription
extinctive visant à sanctionner l’inaction du créancier.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos affaires.
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