Commercial - 13/05/2020
« Un débiteur en liquidation judiciaire qui n’a pas contesté la saisie-attribution dont il a fait l’objet peut tout de même solliciter la répétition de la somme saisie devant le juge de droit commun »
« Un débiteur en liquidation judiciaire qui n’a pas contesté la saisie-attribution dont il a fait l’objet peut tout de même solliciter la répétition de la somme saisie devant le juge de droit commun »
Tel est l'enseignement de cet arrêt rendu par la Cour de cassation.(Cass.civ, 2e, 30 janvier 2020, n° 18-18.922).
Rappelons, au préalable, que, légalement, seul un titre exécutoire peut permettre au créancier d’exercer une telle procédure de saisie-attribution le cas échéant par l’intermédiaire d’un huissier de justice.
La saisie-attribution sur compte bancaire va permettre au créancier de saisir sur le compte de son débiteur, les créances qui portent sur une somme d’argent.
Les sommes saisies sont rendues indisponibles à l’égard du débiteur qui ne peut plus effectuer d’opération bancaire.
Le débiteur a le droit de contester la saisie-attribution.
Il ne s’agira alors pas pour le juge de rejuger l’affaire qui a donné lieu au titre exécutoire, mais à examiner la régularité de la saisie.
Cette contestation devra se faire rapidement, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur, puisque l’article R211-11 Code des procédures civiles d’exécution énonce :
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. »
Oui, dans la mesure où l’article L211-4 du code des procédures civiles d’exécution réserve la possibilité pour le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit, d’agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent :
« En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
Le questionnement soulevé par le cas d’espèce porte sur la possibilité d’une action fondée sur l’article L211-4 du Code des procédures civiles d’exécution pour le débiteur ayant connu une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif mais n’ayant pas contesté la saisie-attribution.
En l’espèce, en mars 2014, un créancier a pu faire procéder à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son débiteur sur le fondement de deux décisions judiciaires rendues respectivement en 2007 et en 2009.
Cependant, le débiteur a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, ouverte en septembre 2011 et clôturée pour insuffisance d’actif en septembre 2012.
Or, l’ouverture d’une procédure de liquidation entraîne de plein droit interdiction des paiements des créances antérieures au jugement de liquidation.
Le mandataire judiciaire, qui représente le débiteur, saisit alors le juge des référés afin de solliciter la répétition de la somme saisie sur son compte.
La Cour d’appel fait droit à la demande du débiteur et condamne donc le créancier à lui verser une certaine somme à titre provisionnel.
Lors de son pourvoi en cassation, le créancier fait notamment valoir que seul le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie peut agir en répétition de l’indu et cela devant le juge du fond compétent.
Il ajoute qu’une provision ne peut être accordée que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable et qu’en l’espèce l’incertitude pesant sur le fait de savoir si la liquidation judiciaire avait été clôturée pour insuffisance d’actif rendait sérieusement contestable l’obligation de restitution dont le débiteur se prévalait
Toutefois, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé en approuvant le raisonnement de la Cour d’appel en ce qu’elle avait retenu que l’absence de contestation de la mesure d’exécution forcée n’interdisait pas au débiteur d’agir en répétition de l’indu devant le juge de droit commun, statuant en référé.
La difficulté portée devant la Haute juridiction consistait à déterminer, si en l’absence de contestation de la saisie-attribution devant le juge de l’exécution, le débiteur pouvait tout de même saisir le juge de droit commun en référé d’une demande en répétition de l’indu.
Cet arrêt vient donc donner un éclairage sur l’application et sur l’interprétation du texte précité en indiquant que la rédaction d’article L211-4 du Code des procédures civiles d’exécution n’interdit pas une action devant le juge des référés par le débiteur.
Ainsi, en l’espèce, la Haute juridiction admet une action en référé aux fins d’allocation d’une provision sur la créance de restitution des sommes saisies.
Toutefois, la Cour de cassation affirme qu’il n’est pas nécessaire que le débiteur ait soulevé à un moment donné une contestation de la saisie-attribution pour pouvoir saisir le juge des référés d’une demande de provision.
Ainsi, l’absence de contestation de la mesure d’exécution forcée n’interdit pas au débiteur saisi d’agir sur le fondement de l’article précité, en répétition de l’indu devant le juge des référés.
Par la même occasion, la Cour de cassation vient admettre que le « juge du fond » visé par l’article L211-4 du Code des procédures civiles d’exécution peut désigner le juge de droit commun statuant en référé alors même qu’il s’agit du juge du provisoire, étant rappelé que la demande n’est accueillie ici qu’à titre provisionnel.
Contrairement aux autres types de référés, cette procédure de référé provision ne nécessite pas la preuve de l’urgence de la situation, notamment l’urgence qu’il pourrait y avoir de recouvrer la créance.
En effet, l’octroi de la provision dépend ici seulement du fait que l’existence de l’obligation dont se prévaut le demandeur ne soit pas sérieusement contestable.
L’appréciation de l’absence d’obligation sérieusement contestable fait l’objet d’un contrôle par la Cour de cassation. Dans un arrêt en date du 4 juin 2015 (n°14-13.405) elle a ainsi pu indiquer :
« Qu’une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l’applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ».
En l’espèce, le débiteur fait reposer sa demander sur l’obligation de restitution de l’indu qui pèse sur son créancier.
En effet, l’existence d’une clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif aurait eu pour effet d’interdire le paiement des créances antérieures, dont celles en vertu desquelles la saisie avait été pratiquée.
Le créancier fait valoir qu’il existe une contestation sérieuse, en raison de l’incertitude de la clôture pour insuffisance d’actifs.
Toutefois, même si la créance procède d’un titre exécutoire antérieur au jugement d’ouverture, aucun acte d’exécution ne peut être mis en œuvre postérieurement à cette décision.
Rechercher si la procédure de liquidation avait bien été clôturée pour insuffisance d’actif ne suffirait donc pas, selon la Cour de cassation, à caractériser une contestation sérieuse en ce que le débiteur à tout de même payé ce qu’il n’aurait pas dû payer en vertu des articles L622-21 et L622-17 du Code de commerce.
Ainsi, en cas de saisie abusive, non seulement le débiteur peut agir en restitution après le délai de contestation, mais encore le peut il par la voie du référé, lorsque l’obligation est, comme dans le cas présent, non sérieusement contestable.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les voies d’exécutions (saisies-attribution, saisie immobilière…etc) Pour le contacter, appelez-le au 02.40.89.00.70, ou prenez contact au moyen du formulaire de contact afin qu’une réponse vous soit apportée dans les meilleurs délais.
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