Commercial - 06/03/2024
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 décembre 2023, 22-18.025, Inédit
Depuis de nombreuses années, le phénomène a été observé.
Certaines sociétés, qui utilisent comme techniques devant le démarchage, s’adresse volontairement à des personnes morales telles que des associations, les comités d’entreprise ou des syndicats de copropriétaires, ou de petites entreprises type TPE PME, pour commercialiser leurs produits via un système de vente en leasing.
S’adresser à des associations ou à des petits professionnels leur permet ainsi d’éviter la réglementation très protectrice qui protège les consommateurs personnes physiques, tout en s’adressant à des interlocuteurs qui sont totalement profanes dans les domaines pour lesquels ils sont sollicité.
Souvent, il s’agit de matériels tels que des photocopieurs en leasing, du matériel informatique tels que des parcs informatiques en leasing, de la téléphonie en leasing, ou encore des serveurs informatiques en leasing.
Or, il a pu être constaté des abus de la part de certains vendeurs.
En effet, il ne peut pas être ignorer que les professionnels peuvent être vulnérables face au démarchage et à la vente de matériel en leasing.
Le leasing, également connu sous le nom de location financière, est une méthode de financement où une entreprise loue du matériel plutôt que de l'acheter.
Bien que le leasing puisse offrir certains avantages, tels que des coûts initiaux réduits et une flexibilité accrue, il comporte également des risques et des pièges potentiels.
Certains vendeurs ou prestataires de leasing peuvent utiliser des techniques de vente agressives pour convaincre les entreprises de signer des contrats de leasing qui ne sont pas dans leur meilleur intérêt.
Par exemple, ils peuvent dissimuler des frais cachés, exagérer les avantages du leasing par rapport à l'achat, ou ne pas divulguer pleinement les termes et conditions du contrat.
Un exemple typique est le fait de prévoir la durée du contrat en trimestres, plutôt qu’en mois.
Ainsi, le contrat mentionnera une durée de 21 trimestres (soit 7 ans) au lieu de 21 mois ! (soit moins de 2 ans)
De plus, certains professionnels peuvent ne pas avoir une compréhension complète des implications financières à long terme du leasing par rapport à l'achat, ce qui les rend vulnérables à des décisions précipitées ou mal informées.
Ces abus ont pu placer des petites entreprises ou des associations en grande difficulté, car elles se retrouvaient engagées sur des contrats extrêmement contraignants et extrêmement lourds, pour des périodes de temps très longues.
En 2016, le législateur a décidé d’intervenir pour protéger davantage les petits professionnels et les non professionnels (associations, comités d'entreprises...etc)
Il a ainsi étendu le régime juridique applicable aux personnes physiques consommateurs à certains professionnels et aux non professionnels.
l'article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
« les dispositions du code de la consommation relatives à l'obligation d'information précontractuelle du professionnel, au droit de rétractation de son cocontractant ainsi que les dispositions du code de la consommation propres aux contrats conclus hors établissement s'appliquent aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq »
L’arrêt de la Cour de cassation évoqué par le présent article, rendu très récemment, est une illustration de ce nouveau régime juridique, qui est pour l’instant assez peu appliqué malgré le nombre de situations dans lesquelles des professionnels sont confrontés à ces engagements.
Au terme de cet arrêt, la Cour de cassation apporte un enseignement très intéressant.
La Cour d’appel, certainement peu habitué à faire application de ce nouvel article du code de la consommation à un professionnel, avait cru devoir écarter l’application de ces dispositions du code de la consommation et rejeter les demandes en annulation des contrats qui lui avaient été formés par l’entreprise ayant fait l’objet d’une sollicitation, en considérant que puisque le contrat de location avait été conclu entre 2 professionnels, il portait nécessairement sur du matériel nécessaire à l’activité administrative et commerciale de la société locataire et que celle-ci avait du reste certifiée dans le contrat que le bien était destiné exclusivement à des fins professionnelles.
Elle considère, à juste titre que :
« 4. En application de ce texte, les dispositions relatives aux contrats hors établissement prévues par le code de la consommation, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité.
5. Pour écarter l'application des dispositions du code de la consommation et rejeter les demandes en annulation des contrats, l'arrêt retient que le contrat de location a été conclu entre deux professionnels, qu'il porte sur du matériel de reproduction nécessaire à l'activité administrative et commerciale de la société locataire et que celle-ci a certifié dans le contrat que le bien loué était destiné exclusivement à des fins professionnelles.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'objet du contrat de location entrait dans le champ de l'activité principale du locataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »
En somme, la Cour de cassation considère que :
- La Cour d’appel ne pouvait pas faire de raccourcis, en considérant qu’un professionnel ne faisait que conclure des contrats dont l’objet entrer dans son champ d’activité principal.
C’est une interprétation de bon sens.
En effet, si un agriculteur, par exemple, ou encore un artisan, conclu un contrat d’informatique, on ne peut pas considérer qu’il s’agit d’un contrat entre dans le cadre de son activité principale.
Il s’agit plutôt de remplir des fonctions accessoires à son activité principale.
Mais, dans ce cas, le professionnel est profane en la matière, c’est-à-dire qu’il n’a pas de connaissances précises dans le domaine pour lequel il signe un contrat.
- La Cour d’appel ne pouvait pas simplement se référer au contrat, dans lequel il était mentionné que le professionnel qui avait souscrit le contrat de location financière reconnaissait le faire dans le cadre de son activité professionnelle.
Il s’agit là d’un enseignement important de la Cour de cassation, qui considère qu’il ne faut pas s’arrêter au simple mention préétabli et pré imprimés édité par le loueur dans son contrat.
Il faut, de manière concrète et pratique, que le juge examine l’activité du professionnel qui a conclu le contrat de location, et dise si le contrat entrait dans le champ de son activité principale.
Il s'agit là d'éviter les cluses abusives et de redonner au Juge son rôle de qualification des faits en notions de droit.
La Cour de cassation force donc les juges du fond à regarder de très près l’activité du professionnel qui a signé un contrat de leasing, ou contrat de location financière, et à faire une appréciation large de la protection prévue par le législateur en faveur des petites entreprises.
Qu'on se le dise, les non professionnels et les petits professionnels ne sont plus démunis de protection contre le démarchage abusif !
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.
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