Photovoltaïque & pompes à chaleur - 10/07/2024
Les ventes sur foire et salons représentent un "angle-mort" du droit de la consommation français actuel, qui n'offre pas un haut degré de protection aux consommateurs français comme on pourrait s'y attendre.
Le droit français, à l’unisson du droit européen, protège les achats effectués par un consommateur lorsqu’il était « hors établissement » au moment de la signature du contrat.
Un achat hors établissement désigne une vente entre un professionnel et un consommateur qui se conclut en dehors des locaux commerciaux habituels du vendeur.
On considère la plupart du temps que le consommateur était en position moins avantageuse que le professionnel, notamment lorsque ce dernier vient le démarcher chez lui et l’interrompt dans ses activités pour lui vendre des produits dont il est formé à vanter les mérites.
La loi vient donc corriger ce rapport de force déséquilibré, en mettant à la charge du professionnel un certain nombre d’obligations qu’il n’aurait pas en temps normal.
Les règles encadrant ces achats sont faites pour protéger le consommateur contre les décisions précipitées ou sous influence, en lui offrant notamment un droit de rétractation.
Ce droit permet au consommateur de changer d'avis et d'annuler l'achat dans un délai légal sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités.
Néanmoins, l’achat sur foires et salons n’est pas assimilé à un achat « hors établissement ».
On considère en effet que la foire ou le salon peut s’apparenter au magasin du professionnel, dans lequel le consommateur ne peut pas dire qu’il est surpris qu’on lui propose la vente de biens ou services.
Le droit européen laisse donc une marge d’appréciation aux différent États membres.
En droit français, la distinction a été marquée nettement, jusqu’à prévoir deux régimes juridiques complètement séparés, voire contraires, là où le schéma commercial et économique et la typologie de clientèle, suit souvent un sillon identique.
De fait, le droit de rétractation n’a donc pas été prévu au sein du régime juridique réglementant les ventes sur foire et salon, puisqu’une exception prévoit que ce droit de rétractation n’est pas applicable pour de telles ventes.
Malins, certains professionnels ont décidé d’investir les foires et salons, qui sont nombreux en France, en utilisant les mêmes techniques de vente que sur démarchage.
Par exemple, pour vendre une pompe à chaleur, ou des panneaux photovoltaïques, le professionnel va alpaguer un couple de consommateur dans les allées.
Un commercial va ensuite les sermonner sur les méfaits des énergies fossiles, tout en leur vantant les mérites de leurs produits.
Parfois même, la situation donne lieu à une véritable mise en scène.
Le gérant de l’entreprise, qui passait dans le stand par hasard (en réalité tout était calculé) va jouer les grands princes en octroyant une remise de plusieurs milliers d’euros aux clients. (il ne fait en réalité par un très gros effort, puisque le prix de vente représente parfois le quadruple, voire plus que le prix d’achat et la valeur réelle des matériels proposés à la vente)
Saisie de nombreux cas de personnes victimes sur foires et salons, la jurisprudence a pu corriger les effets néfastes de l’exclusion du droit de rétractation.
C’est d’abord la Cour de Justice de l’Union européenne qui s’est attelée à la tâche en concluant que pour déterminer si un stand dans une foire est un établissement commercial, il faut prendre en compte l'apparence du stand et les attentes raisonnables d'un consommateur moyen quant à l'activité professionnelle du vendeur à cet endroit.
Cette solution invitait à la nuance en précisant que la qualification de chaque vente doit être appréciée au cas par cas, selon les circonstances spécifiques et la présentation du stand au public.(CJUE, 7 août 2018, aff. C-485/17, Verbraucherzentrale berlin eV c/ Unimatic Vertriebs GmbH)
Puis, le changement dans la jurisprudence européenne concernant le droit de rétractation pour les contrats conclus lors de foires et salons s’est fait plus clair.
La Cour de Justice a considéré qu’un consommateur qui est sollicité par un professionnel juste à l'extérieur de son stand lors d'une foire et qui signe ensuite un contrat à l'intérieur de ce stand est considéré comme ayant conclu un "contrat hors établissement".
Cela lui confère le droit de rétractation prévu par la directive européenne 2011/83 du 25 octobre 2011.
La Cour de cassation française a, plus récemment opté pour une jurisprudence davantage protectrice de la situation des personnes sollicitées sur foire et salons, en passant par l’obligation d’information du professionnel. (Cass.1ère Civ., 20 décembre 2023, 22-18.928, Publié au bulletin).
Les faits sont là : ce n’est pas parce que des personnes se baladent sur une foire qu’elles sont mieux renseignées que si elles étaient chez elles et qu’elles sont moins en proie à des sollicitations agressives de la part de professionnels particulièrement bien formés aux techniques de ventes.
Une foire regroupe d’ailleurs tellement de professionnels que les personnes se rendant sur une foire ou un salon ne pourraient jamais être prêtes à savoir quelle entreprise va dégainer son discours commercial, et comment répondre à cette sollicitation.
Un autre argument milite encore pour une réforme du régime des vente sur foire et salon en faveur d’un rapprochement avec la réglementation hors établissement : la difficulté d’appliquer la jurisprudence européenne.
En effet, comment les personnes victimes de sollicitation dans les allées peuvent-elles prouver qu’elles ont été attirées vers le stand, plutôt que de s’être rendues d’elles-mêmes sur ce même stand ?
En pratique, la preuve est rendue très difficile, si ce n’est impossible pour le consommateur.
Or, tout est affaire de preuve en matière judiciaire.
Enfin, la législation française accuse un réel retard, de ce point de vue-là, dans la protection de ses consommateurs, par rapport à ses voisins.
70% des Etats membres de l’UE accordent un droit de rétractation lors de contrats conclus en foires et salons, de façon directe (au travers de leur législation) ou indirecte (en laissant un juge étudier les conditions dans lesquelles le contrat a été établi).
Concrètement :
- 8 Etats ont adopté une législation accordant un droit de rétractation aux consommateurs sur foires et salons : Bulgarie, Danemark, Grèce, Lituanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque.
- 11 Etats recommandent un examen « au cas par cas » des conditions dans lesquelles le contrat a été établi : Allemagne, Belgique, Chypre, Espagne, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Roumanie.
Ils considèrent que la multiplicité des cas de figure ne permet pas de réglementer simplement cette situation : pour ces États, chaque cas doit être examiné individuellement.
- 8 Etats n’intègrent aucun droit de rétractation dans leur législation : Autriche, Croatie, Estonie, Finlande, France, Irlande, Italie, Portugal.
Alors, ne serait-il pas temps pour le législateur européen d’harmoniser ces positions ?
Ou pour le législateur français de prendre sa plume pour apporter clarté et sécurité aux consommateurs sur son territoire ?
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.
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