Bancaire & voies d’exécution - 06/06/2023
Cass.com.,1er juin 2023 n°21-19.289
La Cour de cassation vient de rendre un arrêt extrêmement important pour les victimes d'arnaques bancaires.
Ces dernières années, les fraudes bancaires ont en effet explosé à la suite de la dématérialisation des instruments de paiements et de la crise sanitaire.
Une fraude en particulier s'est très largement répandue.
Il s'agit du détournement de RIB bancaire provoquant un virement falsifié.
En pratique, la victime commande une prestation à une entreprise.
Cette entreprise lui adresse par Mail son RIB bancaire pour obtenir le paiement de sa prestation.
Entre-temps, l'escroc pirate la boîte mail de l'entreprise ou du client et détourne la facture ou le RIB bancaire pour y mettre ses propres coordonnées bancaires (généralement un compte ouvert dans une néo-banque ou un compte nickel, qui laisse peu de trace et sur lesquels le fonds ne transitent que quelques heures)
Croyant payer l'entreprise qui a réalisé la prestation, le client effectué un virement sur le faux compte bancaire.
L'entreprise qui, n'a pas été payée qu'elle relance alors le client quelques semaines plus tard.
C'est alors que le client s'aperçoit qu'il n'a pas effectué le virement sur le bon compte bancaire.
Juridiquement, l'article L133-19 du Code monétaire et financier a vocation à s'appliquer dans ce type de situations.
Cet article L133-19 dispose :
"I. – En cas d'opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l'instrument de paiement, le payeur supporte, avant l'information prévue à l'article L. 133-17, les pertes liées à l'utilisation de cet instrument, dans la limite d'un plafond de 50 €.
Toutefois, la responsabilité du payeur n'est pas engagée en cas :
– d'opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ;
– de perte ou de vol d'un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ;
– de perte due à des actes ou à une carence d'un salarié, d'un agent ou d'une succursale d'un prestataire de services de paiement ou d'une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées.
II. – La responsabilité du payeur n'est pas engagée si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l'insu du payeur, l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.
Elle n'est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l'instrument de paiement si, au moment de l'opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.
III. – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l'information aux fins de blocage de l'instrument de paiement prévue à l'article L. 133-17.
IV. – Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.
V. – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n'exige une authentification forte du payeur prévue à l'article L. 133-44.
VI. – Lorsque le bénéficiaire ou son prestataire de services de paiement n'accepte pas une authentification forte du payeur prévue à l'article L. 133-44, il rembourse le préjudice financier causé au prestataire de services de paiement du payeur."
En pratique, les victimes de cette fraude se retournent fréquemment vers leur établissement bancaire pour obtenir le remboursement des sommes détournées.
La réponse est néanmoins systématiquement la même.
Pour les banques, l'opération de paiement est autorisée par la victime, de sorte que cette dernière ne pouvait pas prétendre à un remboursement.
Or, de nombreuses voix se sont élevées pour permettre aux victimes de bénéficier d'une meilleure protection.
En effet, dans bien des cas, il est illusoire de penser qu'elles peuvent récupérer les sommes qui ont été détournées, et qui transitent très rapidement par un compte intermédiaire avant d'être viré sur des comptes bancaires à l'étranger.
La victime doit donc supporter seule les conséquences de ces fraudes?
Non, vient de répondre la Cour de cassation.
La Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence pour tenir compte de ces situations, de plus en plus nombreuses, et qui peuvent être dans certains cas dramatiques.
En effet, par son arrêt du1er juin 2023, elle revient sur la notion de l'opération de paiement non autorisée.
En l'occurrence, 2 ordres de virement de 14 000 et de 86 000 € ont été adressés par les payeurs à la Banque.
Ces ordres de virements ont été par la suite falsifiés par modification du numéro IBAN.
Le résultat est que la Banque a versé les fonds sur un compte tiers.
Les payeurs ont assigné la banque en remboursement.
Alors que la Cour d'appel les avait déboutés de leur demande en redonnant que dans l'hypothèse d'un ordre de virement régulier ultérieurement falsifié, notamment par la modification du nom ou du numéro de compte du bénéficiaire il n'y a pas de virement non autorisé, la Cour de cassation considère au contraire que :
"8. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de
paiement initié par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son
prestataire de service de paiement, est réputée autorisée uniquement si
le payeur a également consenti à son bénéficiaire.
9. Aux termes
du dernier, en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par
l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code
monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur
rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non
autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où
il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas
eu lieu, sauf, dans le cas d'une opération réalisée au moyen d'un
instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, si la
responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L.
133-19 du même code.
10. Pour rejeter la demande de condamnation
de la société la Banque postale à rembourser la somme de 100 000 euros à
M. et Mme [I], l'arrêt retient que, dans l'hypothèse d'un ordre de
virement régulier lors de sa rédaction mais ultérieurement falsifié,
notamment par la modification du nom ou du numéro de compte du
bénéficiaire, il n'y a pas de virement non autorisé, de sorte que la
responsabilité de la société la Banque postale ne peut être recherchée
que pour faute. Il ajoute que la modification du numéro IBAN et
l'existence d'un grattage ne se révélant que par un examen
particulièrement minutieux des documents et sous une lumière puissante,
il ne peut être reproché à la société la Banque postale de ne pas avoir
décelé une telle falsification et que, justifiant des diligences
entreprises pour tenter de récupérer les fonds dès qu'elle a été
informée de la malversation, sa responsabilité n'est pas engagée.
11. En statuant ainsi, alors qu'un ordre de virement régulier lors de
sa rédaction mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été
ultérieurement modifié par un tiers à l'insu du donneur d'ordre ne
constitue pas une opération autorisée, la cour d'appel a violé le texte
susvisé."
Sous réserve que la Cour de cassation confirme sa position et la notion large d'opération de paiement non autorisée à d'autres cas de figure, cette décision pourrait entraîner un remboursement facilité pour les victimes des fraudes au faux virements bancaires.
Les victimes ont en tout cas tout intérêt à s'en emparer sans plus attendre.
Maître SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit commercial/droit bancaire , vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les arnaques bancaires.
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