Crédits à la consommation : les modalités de calcul du délai de rétractation doivent être rédigées de manière claire et concise

Bancaire & voies d’exécution - 07/04/2020

Droit de rétractation dans les crédits et défense de l'emprunteur

Crédits à la consommation : les modalités de calcul du délai de rétractation doivent être rédigées de manière claire et concise

(CJUE, 26 mars 2020, Kreissparkasse Saarlouis, aff. C-66/19).

D’où vient le droit de rétractation de 14 jours ?

En matière de crédit à la consommation, l’information du consommateur possède une très grande importance.

Cela implique notamment qu’il connaisse, au préalable, les conditions de délai et les modalités d’exercice de son droit de rétractation, qui lui permet de revenir sur son engagement.

Ainsi, l’article 10 § 2 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs indique :

« Le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise :

p) l'existence ou l'absence d'un droit de rétractation, la période durant laquelle ce droit peut être exercé et les autres conditions pour l'exercer, y compris des informations sur l'obligation incombant au consommateur de payer le capital prélevé (draw down) et les intérêts conformément à l'article 14, paragraphe 3, point b), et le montant de l'intérêt journalier; ».

La clarté et la concision d’une information renvoient d’une part à l’accessibilité de celle-ci, qui doit être apparente dans le contrat et lisible, ainsi qu’à sa compréhensibilité en ce que l’information doit être intelligible par le consommateur.

Cette directive a été transposé en droit français, comme dans les autres droits des membres de l’union européenne.

En l’espèce, en 2012, un consommateur a conclu auprès d’un établissement de crédit, un contrat de crédit garanti par des sûretés réelles d’un montant de 100 000 euros.

Le contrat contient un article relatif au droit de rétractation laissé à l’emprunteur.

Celui-ci opère un renvoi à l’article 492 § 2 du code civil allemand (BGB) pour ce qui concerne le point de départ du délai de prescription.

Se posait alors la question de savoir si cette information était suffisante.

Le droit de rétractation doit donner lieu à une information claire

Dans l’affaire jugée par la Cour, en janvier 2016, le souscripteur informe la banque qu’il se rétracte de son engagement contractuel.

Il saisit alors le tribunal afin de faire notamment constater que la banque était tenue de l’indemniser pour tout préjudice résultant du refus d’accepter la rétractation et qu’elle était déchu de son droit aux intérêts contractuels.

Pour sa part, la banque fait valoir qu’elle a dûment informée le souscripteur de son droit de rétractation et que le délai d’exercice de ce droit avait expiré de sorte qu’il ne pouvait s’en prévaloir.

La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec l’article 10 §2 de la directive 2008/48 du renvoi à la disposition du BGB effectué dans le contrat de crédit, qui elle-même renvoie à une autre disposition nationale renvoyant à son tour à d’autres dispositions du BGB. (Code civil Allemand)

En effet, l’article de la directive prévoit qu’un tel contrat droit mentionner de façon « claire et concise » l’existence ou l’absence d’un droit de rétractation ainsi que les modalités d’exercice de ce droit.

Dès lors, le juge allemand sursoie à statuer et sollicite l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne des dispositions de ladite directive.

Après avoir accueilli la demande de renvoi préjudiciel, la Cour précise que l’article 10 §2 de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’au titre des informations à mentionner de façon claire et concise dans un contrat de crédit, figurent les modalités de computation du délai de rétractation.

De plus, elle relève qu’un simple renvoi, opéré dans des conditions générales d’un contrat, à un texte législatif ou réglementaire stipulant les droits et obligations des parties n’est pas suffisant, dès lors, l’article 10 §2 de ladite directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un contrat de crédit procède à un renvoi à une disposition nationale qui renvoie elle-même à d’autres dispositions du droit de l’Etat membre en cause, s’agissant des informations visées à l’article 10 de la directive.

La consécration du droit de rétractation, droit essentiel du consommateur

La Cour de justice de l’Union européenne précise dans son arrêt du 26 mars 2020 que l’exigence consistant à mentionner de façon claire et concise, dans un tel contrat, les éléments visés à l’article 10 § 2 de la directive 2008/48, est nécessaire afin que le consommateur soit en mesure de connaitre ses droits et ses obligations.

En effet, dans une précédent affaire « Home Credit Slovakia » (9 novembre 2016, aff. C-42/15), la CJUE, qui avait énoncé la même exigence, ajoutait que cette dernière contribuait à la réalisation d’une harmonisation complète et impérative en matière de crédit aux consommateurs.

Une telle harmonisation apparait comme nécessaire pour assurer à tous les consommateurs de l’Union européenne un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts en matière de crédit à la consommation.

Dès lors, les conditions d’exercice du délai de rétractation doivent être mentionnées dans le contrat de crédit.

En l’espèce, l’article 14 du contrat litigieux, relatif au droit de rétractation était rédigé comme suit :

« Lemprunteur dispose de 14 jours pour se rétracter par écrit (par exemple, par courrier, télécopie ou courrier électronique) de son engagement contractuel, sans avoir à fournir de motifs.

Le délai commence à courir après la conclusion du contrat mais pas avant que lemprunteur nait reçu toutes les informations obligatoires visées à larticle 492, paragraphe 2, du [BGB] (par exemple, des informations sur la nature du crédit, sur le montant net du crédit, sur la durée du contrat). […] ».

Ainsi, la simple mention du fait que le délai de rétractation commençait à courir à compter de la communication de l’ensemble des informations obligatoires, sans plus de précisions quant à ces informations, autre que des renvois à la législation nationale, ne répond aucunement aux impératifs de clarté et de concision prescrits par la directive.

L’insuffisance d’un simple renvoi à une disposition nationale

Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de justice de l’Union européenne si la rédaction de l’article 10 § 2 de la directive 2008/48 venait s’opposer à ce qu’un contrat de crédit procède à un renvoi à la législation nationale.

Par la présence de tels renvois, la Cour estime en effet, que le consommateur serait tenu d’étudier une multitude de dispositions nationales contenues dans des actes législatifs différents alors même que l’emprunteur, de par sa qualité, n’est pas en mesure de déterminer l’étendue de son engagement contractuel, ni de vérifier si le délai de rétractation dont il peut disposer a commencé à courir à son égard.

Par conséquent, le renvoi à la législation nationale en l’espèce ne permet pas de fournir des informations suffisamment claires et concises, au regard de l’importance du droit de rétractation pour la protection des consommateurs.

La sanction de l’irrégularité du droit de rétractation dans les crédits à la consommation

La protection des intérêts économiques des consommateurs est une des finalités du droit européen et du droit des contrats de consommation en général.

Les contrats de consommations doivent ainsi contenir des informations claires et intelligibles par les consommateurs.

Ainsi, tout manquement au formalisme informatif sera sanctionné, dans les crédits à la consommation.

L’article L311-33 du Code de la consommation, prévoit, en droit français, concernant les crédits à la consommation prévoit la déchéance du droit aux intérêts du prêteur :

« Le prêteur qui accorde un crédit sans saisir lemprunteur dune offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et lemprunteur nest tenu quau seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. »

Cette sanction financière pourra permettre à l’emprunteur de réduire considérablement sa dette.

Quel délai de rétractation pour les contrats conclus avant la crise du coronavirus ?

Pour les contrats de crédits conclus avant le 12 mars 2020, et dont le délai de rétractation était en cours à cette date, la crise du Coronavirus vient modifier les règles de calcul.

En effet, l’Ordonnance du 25 mars 2020 vient proroger de manière extrêmement large les délais d’exercice d’un droit.

On peut donc raisonnablement penser que les délais de rétractation sont concernés.



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