RESPONSABILITE DE LA BANQUE EN MATIERE DE PRETS IN FINE

Bancaire & voies d’exécution - 15/05/2019

La banque a un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur qui a emprunté dans le cadre d'une opération de prêt in fine adossé à une assurance-vie

Cass. Com. 6 mars 2019- n°17-22.668

La Cour de cassation vient de rendre plusieurs arrêts intéressants en ce qui concerne les actions en responsabilité des emprunteurs victimes de montages financiers se traduisant par la mise en place de prêts in fine.

Les faits étaient, dans l’arrêt précité, les suivants :

Suivant acte du 7 mai 1999, une banque a consenti à une SCI un prêt remboursable in fine à l’issue d’une période de douze ans.

Le remboursement de ce prêt était garanti par le nantissement de deux contrats d’assurance-vie, souscrits par le gérant de la SCI par l’intermédiaire de la banque, et par le cautionnement de celui-ci et de la Société Crédit logement.

Le 9 mars 2012, la banque faisait valoir que le rachat total du contrat d’assurance-vie n’avait permis qu’un remboursement partiel du prêt.

Le 31 mai 2012, la banque a mis en demeure la SCI et les cautions de lui payer les sommes dues.

La société CREDIT LOGEMENT a désintéressé la banque, elle a par la suite assigné la SCI en paiement.

Le 18 mars 2013, le gérant de la SCI et la SCI ont assigné la banque en responsabilité, en lui reprochant de n’avoir pas informé le gérant, lors de la souscription des contrats d’assurance-vie, du risque que le rachat de ces contrats ne permette pas de rembourser le prêt à son terme.

La cour d’appel déboute la demande du gérant. Elle déclare que l’action du gérant est prescrite sur le fondement de l’article L 110-4 du Code de Commerce, prescription quinquennale de droit commun.

La cour d’appel énonce que le dommage résultant du manquement du banquier à ses obligations de conseil et de mise en garde à l’occasion du montage mis en place pour financer une acquisition immobilière et en associant souscription d’un prêt in fine et adhésion à des contrats d’assurance-vie consiste en la perte d’une chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste dès l’octroi du prêt.

La cour d’appel retient que la prescription a commencé à courir à la date de conclusion du contrat de prêt, en l’occurrence le 7 mai 1999.

Par l’arrêt rendu le 6 mars 2019, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel.

La Cour de cassation estime en effet qu’en ce qui concerne ce type de montage financier, le point de départ de l’action en responsabilité engagée à l’encontre de la banque par les emprunteurs n’est pas la date de conclusion du contrat de prêt, mais la date à laquelle les pertes financières se sont révélées, soit au moment du dénouement de l’opération.

Cet arrêt apporte donc un enseignement important pour les emprunteurs qui souhaitent engager la responsabilité d’un établissement de crédit pour manquement à ses obligations, et une solution salutaire pour ceux-ci qui, dans le cas contraire, auraient pu se voir opposer dans bien des cas la prescription de leur action.

L’occasion de revenir sur quelques aspects du régime de responsabilité de la banque en matière de prêts in fine.

Le prêt in fin adossé à un contrat d’assurance-vie comporte des enjeux financiers importants.

La Cour de cassation estime que la banque peut voir sa responsabilité engagée lors d’un prêt in fine pour manquement à son devoir de mise en garde (I).

Par ailleurs le point de départ du délai de prescription de l’article L 110-4 du Code de Commerce est différé en matière de prêt in fine adossé d’un contrat d’assurance-vie (II).

I.         Responsabilité et condamnation du banquier prêteur en matière de prêt 

Le prêt in fin adossé à un contrat d’assurance-vie est un mone financier complexe, le banquier doit respecter son obligation de mise en garde (A).

Le non-respect du devoir de mise en garde peut causer un préjudice à l’emprunteur mais également au garant (B).

A-Une obligation de mise en garde de droit

Contrairement à un emprunt « classique », l’investisseur in fine rembourse son crédit en deux phases :

-          Le remboursements des intérêts du prêt : durant toute la durée du crédit, les mensualités de remboursement seront limitées au seul montant des intérêts produits.

 

-          Le remboursement du capital : au terme de la durée de son crédit, l’emprunteur remboursera l’intégralité du capital emprunté en une seul et unique mensualité.

 

L’emprunteur ne rembourse que les intérêts pendant la durée du prêt, les fonds investis sur l’assurance-vie permettent de rembourser le capital emprunté à l’échéance du prêt.

Le prêt in fine est donc remboursé par le produit d'un contrat d'assurance-vie affecté en garantie de celui-ci. Une telle opération est considérée comme un montage complexe.

En matière bancaire, la banque a un devoir d’information et de mise en garde à l’égard de ses clients, a fortiori quand ils sont peu « avertis ».

Cette responsabilité a été dégagé peu à peu par la jurisprudence, sur le fondement de l’ancien article 1147 du Code civil relatif, et à l’obligation de conseil et de mise en garde du prêteur qui fournit le crédit.

Ce conseil porte notamment sur les risques encourus lors de montages financiers complexes.

En matière de responsabilité de la banque, il est désormais de jurisprudence constante que la banque est tenue au respect d’une obligation de conseil lorsqu’elle monte un financement complexe[1].

Le prêt in fine est, à contrario d’un prêt classique, par exemple un prêt immobilier amortissable de manière linéaire, considéré comme faisant partie des financements complexes.

La banque est donc tenue d’un devoir de mise en garde envers l’emprunteur mais aussi envers le garant souscripteur de l’assurance vie.

B- La nature de préjudice subi par le garant souscripteur 

En cas de manquement à une obligation de conseil, la jurisprudence considère que le préjudice réparable s’analyse en une perte de chance de mieux investir ses capitaux[2].

Selon la Cour de Cassation, la nature de ce préjudice est la suivante :

« en la perte de la chance d’éviter la réalisation du risque que, du fait d’une contre-performance de ces contrats d’assurance-vie nantis, leur rachat ne permette pas de rembourser le prêt ».

Le rachat du contrat d’assurance-vie ne suffit pas à rembourser le prêt.

Or, l’opération était censée permettre à l’emprunteur de rembourser son crédit grâce aux performances des contrats d’assurance vie adossés.

Ce défaut de remboursement ne pouvait, cependant, se produire qu’à l’issue du prêt.

II;   Délai de prescription de l’action en responsabilité pour faute du banquier prêteur

 

L’arrêt de la Cour de Cassation précité précise que le point de départ du délai de la prescription découlant de l’article L 110-4 du Code de Commerce est différé en matière de prêt in fine (A).

La position de la Cour de Cassation est différente selon la nature de l’opération (B).

A- Point de départ différé en matière de prêt in fine adossé d’un contrat d’assurance-vie 

Selon l’article L 110-4 du Code de Commerce:  

« I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

II



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