Bancaire & voies d’exécution - 28/09/2021
Illustration d'une garantie à première demande, ou garantie autonome, jugée nulle et de nul effet
La garantie à première demande constitue une forme de garantie autonome.
La garantie autonome, introduite en 2006 dans le droit français des sûretés à l’article 2321 du Code civil, se définit comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.
Celui qui souscrit à une garantie à première demande s’engage donc à payer une somme en lieu et place d’une autre personne, pour garantir le respect par celle-ci de ses obligations.
La principale spécificité de cette garantie est qu’elle est déconnectée de l’obligation du tiers.
C’est la raison pour laquelle l’article 2321 du Code civil dispose, aux termes de ses deux derniers alinéas :
« Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie.
Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie »
Il résulte en effet de son autonomie, que le garant ne peut pas opposer d’exceptions relatifs à l’obligation garantie (exemple : exception de compensation) , et que cette garantie ne suit pas l’obligation dont elle n’est pas un accessoire. (Exemple : en cas de cession de créance, ou encore en cas de scission de la société garantie, la garantie autonome n’est pas cédée, contrairement au cautionnement et autres sûretés)
Elle s’oppose donc aux garanties à caractère accessoire, telles que le cautionnement.
C’est la raison pour laquelle elle est prisée de certains créanciers, qui voient dans la garantie autonome une manière d’échapper au formalisme ou au rigorisme d’autres types de garanties.
Du fait de son caractère autonome, la garantie à première demande est difficile à contester pour le garant, qui ne peut pas opposer d’exception relatif à la dette.
Le garant ne peut ainsi pas bénéficier, par exemple, de la nullité du contrat de base, de son inexécution, ou encore de sa résolution.
Exit également le bénéfice de discussion et de division.
La garantie autonome doit donner lieu, en principe, à paiement sur simple demande du créancier.
Le garant n’est pas pour autant totalement démuni.
- L’article 2321 du Code civil dispose d’abord que :
« Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre. »
Il y a donc matière à sanction lorsque le bénéficiaire abuse ou commet une fraude manifeste pour bénéficier de manière anormale de la garantie à première demande, ce qui permet de contrôler l’exécution de celle-ci.
- Mais la jurisprudence intervient également au stade de la rédaction de la garantie, et sanctionne le fait pour le bénéficiaire de déguiser en garantie à première demande, ce qui est en réalité le cautionnement d’une dette.
Il ne serait en effet pas justifié que le bénéficiaire puisse, par un tour de passe-passe, donner à un acte, une qualification qui l’arrange, au détriment du garant.
Surtout lorsque l’on sait qu’au stade où la garantie est donnée, concrètement, le bénéficiaire est en position avantageuse pour solliciter ce type d’engagement, puisqu’il a pu par exemple octroyer un crédit à une société du dirigeant garant, ou d’un associé garant.
C’est ainsi que la jurisprudence a tôt fait de sanctionner ces actes en les requalifiant.
Cass. Com. 20-4-2017 n° 15-18.203
« Est un cautionnement l’acte par lequel un garant s’engage à payer la dette du débiteur principal, peu important que l’acte soit intitulé « garantie à première demande » et qu’une clause interdise à ce garant de soulever toute exception ou contestation. »
C’est dans cette droite ligne que s’inscrit l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 8 juin 2021.
Aux termes de cet arrêt, une société fournisseur d’une autre avait demandé au dirigeant de cette dernière de souscrire un engagement intitulé « garantie à première demande » dans la limite d’un montant précis de 19.047,72 €.
Cet engagement était souscrit pour une durée d'une année reconduite par tacite reconduction d'année en année.
L'acte prévoyait que le garant ne pourrait faire aucune objection ou exception et qu'il paierait à première demande du bénéficiaire et qu'il pourrait être fait une ou plusieurs demandes de paiement au titre de la garantie, dans la limite du montant maximum.
Or, le montant renseigné correspondait très exactement à une dette contractuelle de la société acheteuse, ce que cette dernière pouvait démontrer par la production de ses comptes, et des virements dont elle avait bénéficié.
Cette société ayant été placée en liquidation judiciaire, le dirigeant a été actionné au titre de la garantie à première demande.
Il a toutefois fait valoir, en première instance puis en appel, que la garantie octroyée ne pouvait pas être une garantie autonome, puisque la somme garantie correspondait très exactement à une dette identifiée de la société placée en liquidation judiciaire, pour laquelle qui plus est une déclaration de créance avait été effectuée en son temps par le créancier, de quoi il résultait que la garantie ne pouvait qu’être accessoire à une dette précise.
La Cour d’appel de Rennes va suivre ce raisonnement, et prononcer la requalification de la garantie à première demande, ou garantie autonome, en cautionnement.
Or, ajoute la Cour, puisque cet acte ne mentionne pas les mentions obligatoires relatives aux actes de cautionnement (notamment la mention manuscrite prévue à peine de nullité du cautionnement), l’acte est nul et non avenu.
La Cour relève en effet :
« Le contrat portait cependant sur la somme précise de 19.047,72 euros. Or, la société XXXX a payé à la société XXXXXXXX les sommes de 10.000 euros le …….et de 9.047,72 euros le…………..
Il apparaît ainsi que le contrat avait pour objet une dette identifiable du débiteur principal à laquelle il était connecté. Il en résulte que ce contrat ne peut être qualifié de garantie autonome mais constitue un cautionnement.
Il peut être noté en ce sens que la société XXXXXXXXX demande le paiement d'une somme correspondant à la dette résiduelle de la société XXXXXXXXXXXXXXXX, placée en liquidation judiciaire, pour le montant qu'elle a déclaré. Même s'il s'agit d'un élément postérieur à la signature de l'acte, il confirme que l'intention des parties était de faire garantir par M. XXXXXXXXX la dette du débiteur principal.
L'acte de cautionnement ne comporte pas la mention manuscrite conforme aux dispositions des articles L.331-1 et L.331-2 du code de la consommation.
Il est donc nul.
Il y a lieu de l'annuler et de rejeter les demandes de la société XXXXXXXX. »
Résultat : la société est déboutée de ses demandes et le dirigeant dégagé de son engagement de près de 20.000 €.
Maître Charlyves SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit économique, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur garanties autonomes et garanties à première demande.
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