Consommation - 06/09/2019
Une reconnaissance de dette n'est pas nécessairement infaillible
Une reconnaissance de dette jugée irrégulière
Cass. Civ. 1ère 4 juillet 2019 n°18-10.139
Par un arrêt récent, la Cour de cassation vient de rappeler que toute reconnaissance de dette devait respecter un certain nombre de conditions pour être considérée comme régulière, et que faute pour la reconnaissance de dette en question de respecter ces conditions, sa valeur devait être réduite.
Une reconnaissance de dette est un écrit juridique par lequel une personne, le débiteur, s'engage à payer une somme d'argent à une autre, le créancier.
La reconnaissance de dette constitue une garantie pour le créancier, en cas de conflit avec le débiteur.
La reconnaissance de dette doit, en principe, prévoir à minima les éléments suivants :
Date et signature du débiteur
Nom, prénom, adresse, date et lieu de naissance du débiteur et du créancier
Montant de la somme prêtée, indiqué en chiffres et en lettres
Indication de la date à laquelle le paiement de la dette sera exigible
S'il est prévu, indication du taux d'intérêt (qui ne doit pas dépasser le taux de l'usure)
Oui, cette mention est nécessaire, dans la mesure où l’ancien article 1326, applicable à toutes les reconnaissances de dettes antérieurs au 1er octobre 2016, énonce :
« L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »
Cet article a depuis, été modifié par la réforme du droit des obligations intervenue en droit français, et a été remplacé par l’article 1376 du Code civil, applicable à toutes les reconnaissances de dettes postérieures au 1er octobre 2016, qui énonce à peu de choses près la même chose :
L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.
Que se passe-t-il si cette mention n’est pas respectée ?
Tout dépend de l’élément manquant.
En effet, si c’est la signature du débiteur qui manque ou qui est fausse, alors, en effet, la reconnaissance de dette est nulle et ne pourra pas être opposée à ce dernier.
En revanche, si c’est la mention en chiffres et en toutes lettre de la somme à laquelle s’est engagée le débiteur qui manque, alors, la sanction est différente, comme le rappelle la Cour de cassation.
L’acte par lequel une personne s’engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d’argent ne comportant que la mention manuscrite en lettres, et non en chiffres et en lettres de la somme due, comme l’exige l’article 1326 ancien du Code civil, s’analyse alors uniquement comme un commencement de preuve par écrit devant être corroboré par des éléments extérieurs pour faire preuve de la créance alléguée.
En d’autres termes, le document sur lequel figure la reconnaissance de dette sera, en lui-même, insuffisant pour permettre au créancier de prouver l’existence de sa créance, et d’obtenir ainsi un jugement condamnant le débiteur.
Cette reconnaissance de dette devra être accompagnée d’autres documents de preuve venant accompagner et appuyer la demande.
Illustration :
En l’espèce, se prévalant de deux écrits constituant des reconnaissances de dettes, la créancière a engagé une action à l’encontre de son débiteur aux fins d’obtenir leur paiement.
En défense, le débiteur a alors argué, sur le fondement de l’article 1326 ancien du Code civil que, pour emporter, à elle seule, la preuve de l’existence d’une dette, la reconnaissance de dette doit comporter la mention, écrite par celui qui souscrit l’engagement, en chiffres et en lettres de la somme due, ce qui n’est pas le cas, en l’occurrence, l’acte ne comportant que l’indication en lettres du montant dû, de sorte qu’il ne peut avoir valeur probante que s’il est appuyé par d’autres éléments.
Ne rejoignant pas l’argumentaire développé par le défendeur, la cour d’appel a condamné ce dernier au paiement des sommes inscrites sur les deux reconnaissances de dettes au motif que l’inobservation de l’exigence de la mention de la somme à la fois en chiffres et en lettres n’a pas pour effet de priver l’acte de sa valeur probante, dès lors qu’il comporte une mention manuscrite clairement indiquée de la somme due.
Cassant l’arrêt rendu par les juges du fond, la Cour de cassation fait une application stricte de la lettre de l’article 1326 ancien du Code civil en énonçant que, faute d’indication de la mention manuscrite, de celui qui s’engage à payer une somme d’argent, en chiffres du montant de la dette, l’acte ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit nécessitant d’être complété par des éléments extérieurs pour emporter preuve de l’existence de la créance en cause.
La jurisprudence a eu, à maintes occasions, la possibilité de se prononcer sur les éléments, extérieurs à la reconnaissance de dette, pouvant servir à compléter une reconnaissance de dette.
Sans prétendre à l’exhaustivité, il peut être notamment cité :
- Un aveu judiciaire ou extrajudiciaire,
- Un témoignage,
- Un paiement, (virement bancaire, chèque…)
- Un courrier ou un mail,
- Une seconde reconnaissance de dette,
- Un contrat,
…etc
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