Consommation - 06/11/2024
L’exception prévue par la loi française, en vertu de laquelle en principe le droit de rétractation ne s’applique par pour les achats sur foires et salons est source de confusion pour les consommateurs, en plus de heurter certains principes du droit. (Article L. 224-59 du Code de la consommation, Ordonnance CJUE du 17 décembre 2019, Directive 2011/83/UE)
L'article L. 224-59 du Code de la consommation précise que les professionnels présents sur les stands de foires ou salons doivent informer les consommateurs de l’absence de délai de rétractation, en affichant cette information de manière visible.
Les ventes réalisées sur foire et salons paraissent alors irrévocables, à moins qu’un crédit affecté ne soit utilisé pour financer l’achat, dans ce cas le consommateur dispose d’un droit de rétractation pour le crédit lui-même, annulant de facto la vente.
Cependant, cette règle expose les consommateurs à des risques élevés surtout lorsqu'ils sont confrontés à des vendeurs utilisant des techniques de vente agressives, et déloyales.
Ces pratiques sont fréquentes dans certains secteurs comme les rénovations énergétiques (panneaux photovoltaïques, pompes à chaleur, où les contrats peuvent représenter des sommes importantes, telles que pour l’installation de panneaux photovoltaïques ou de pompes à chaleur).
De nombreux consommateurs français pensent à tort qu'ils bénéficient d'un droit de rétractation de 14 jours lorsqu'ils achètent des produits ou services lors de foires ou salons.
Pourtant, en vertu de l’article L. 224-59 du Code de la consommation, les ventes conclues dans ces contextes ne bénéficient pas de ce délai de rétractation, contrairement aux achats à distance ou hors établissement.
Cette exception légale est souvent méconnue, conduisant à des situations problématiques où des consommateurs se retrouvent piégés par des achats impulsifs ou réalisés sous pression.
Le droit européen a toutefois apporté des nuances à cette rigueur à travers une série de décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
Notamment, l’ordonnance du 17 décembre 2019 (affaire C-465/19) a précisé que lorsqu'un consommateur conclut un contrat immédiatement après avoir été sollicité hors du stand, par exemple dans l’allée d’un hall d’exposition, ce contrat est alors considéré comme un contrat hors établissement, permettant au consommateur de bénéficier du droit de rétractation de 14 jours.
De plus, dans un arrêt du 7 août 2018 (affaire C-485/17), la Cour considère que si un stand de foire ou de salon ne peut pas être considéré comme un établissement commercial régulier un droit de rétractation pourrait s’appliquer aux transactions conclues.
Ces décisions montrent que certaines situations spécifiques permettent aux consommateurs de bénéficier de protections supplémentaires, bien que leur application reste soumise à des conditions précises et à l’interprétation des juges nationaux.
Ces arrêts sont importants, et dénotent une volonté de la Justice européenne de réduire le champ dans lequel le consommateur serait privé de son droit de rétractation, justement, pour lutter contre les pratiques agressives et déloyales de certains professionnels.
Force est cependant de constater que cela n’est pas suffisant.
D’abord, les juridictions françaises sont moins enclines à appliquer ces arrêts qu’à appliquer un texte de loi claire, même si la jurisprudence européenne est d’applications directe.
Surtout, cette jurisprudence ne résout pas des problématiques importantes liées à la charge de la preuve.
Enfin, ce n’est pas faire offense à la Cour de Justice de l’Union européenne que de dire que le consommateur français n’a qu’une vision lointaine, si ce n’est totalement inexistante de sa jurisprudence.
Appliquer le droit, c’est d’abord le faire connaître et le diffuser.
Et introduire dans la loi un tel droit de rétractation permettrait assurément aux consommateurs de mieux comprendre et connaître leurs droits.
Ce processus de réforme de la loi a été amorcé par quelques initiatives.
Face à la multiplication des litiges liés aux achats en foires et salons, plusieurs parlementaires français ont exprimé leur inquiétude et soulevé des questions auprès du Gouvernement.
La question écrite n° 5265 posée par un député en février 2023 en est un exemple. Celui-ci interrogeait le ministre de l'Économie sur l'absence de transposition en droit français de l'ordonnance CJUE de 2019 et demandait si des mesures étaient prévues pour renforcer la protection des consommateurs.
Cette question rejoint plusieurs propositions de lois visant à introduire un droit de rétractation pour les achats réalisés en foires ou salons, particulièrement pour les transactions d’un montant supérieur à 1 000 euros.
Ces heureuses initiatives visent à harmoniser la législation française avec les dispositions européennes, afin de mieux protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales abusives et à réduire les risques d'achats impulsifs sous pression.
L’absence de droit de rétractation pour les achats en foires et salons reste un angle mort dans la protection des consommateurs en France.
Les avancées européennes et les débats parlementaires actuels laissent espérer une réforme législative prochaine, qui pourrait rétablir un équilibre plus juste en introduisant un droit de rétractation, au moins pour les achats les plus importants.
Gageons que ces initiatives permettront de renforcer la protection des droits des consommateurs et une plus grande lisibilité de ces droits.
Maître Charlyves SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit commercial, droit de la consommation, droit des contrats, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France depuis plus de 13 ans.
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