Consommation - 01/03/2022
Les clauses abusives d'un contrat de déménagement annulées
Le consommateur est réputé ne pas connaître les pratiques et termes commerciaux, ce qui crée un déséquilibre vis-à-vis du professionnel.
En effet, il peut ne pas être en mesure d’apprécier les conséquences de certaines clauses contractuelles qui pourraient, à ses dépens, être plus favorables au commerçant.
C’est la raison pour laquelle le Code de la consommation prévoit que les clauses dites abusives, sont prohibées.
L’article L212-1 du Code de la consommation définit les clauses abusives comme ayant
« pour objet ou pour effet de créer, au détriment du
consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties au contrat ».
De fait, les clauses
abusives sont des clauses interdites dans les relations contractuelles,
elles sont à ce titre réputées non-écrites au sein du contrat.
Le Code
de la consommation en liste un certain nombre dans ses articles R212-1
et suivants.
A titre d’exemple, on prohibe la clause ayant pour
objet ou pour effet de
« supprimer ou réduire le droit à réparation du
préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le
professionnel à l’une quelconque de ses obligations » (R212-1 6°).
L'entreprise de déménagement ne peut donc pas éluder sa responsabilité par avance.
Dans
ce cas précis, en cas de faute de sa part, le professionnel déménageur ne peut pas
proposer une clause l’exonérant, partiellement ou totalement, de
réparer le dommage causé au consommateur.
Ce genre de clause
existe souvent dans les contrats de transport, en tout cas généralement
lorsque le professionnel a la garde du bien de son client.
Les contrats de déménagement sont des contrats passés par des particuliers au profit de sociétés professionnelles.
Le régime des clauses abusives est donc pleinement applicable à ces contrats.
C’est
ce qu’est venu rappeler la Cour de cassation dans un arrêt dans lequel
elle a statué sur une clause abusive contenu dans un contrat de
déménagement.
En l’occurrence, un particulier avait conclu un contrat de déménagement avec une société spécialisée dans le déménagement.
Le
contrat stipulait un montant d’indemnisation fixe en cas de dommages
causés aux meubles non-listés, équivalent à 152 € par pièce.
Deux meubles ont été endommagés.
La
société n’a pas contesté sa responsabilité mais a souhaité diminuer
l’indemnisation, en se référant à la clause prévue au contrat.
La société a finalement été condamnée à payer le coût de l’indemnisation réelle.
Les
juges du fond ont en effet estimé cette clause abusive, dans la mesure
où l’indemnité ne permettait pas de couvrir entièrement le dommage subi
par le client, ce qui réduisait donc la responsabilité de la société de
déménagement.
La Cour de cassation confirme cette analyse.
La Cour de cassation estime que cette clause était de nature à limiter
l’indemnité due en cas de dommage, ce qui revenait à réduire le droit à
réparation du préjudice subi par le consommateur du fait du manquement
du professionnel.
Or, en vertu de l’article R212-1 6° du Code de
la consommation, elle en déduit qu’une telle clause limitative de
réparation est « irréfragablement présumée abusive et donc interdite ».
Autrement
dit, une telle clause est présumée abusive, et la preuve contraire ne
peut pas être rapportée par le professionnel, qui n’a pas alors la
possibilité de démontrer, par exemple, que cette clause était la
contrepartie d’une autre stipulation du contrat venant rééquilibrer
celui-ci.
La Cour de cassation confirme donc le raisonnement des juges du fond.
Cette solution est salutaire, pour plusieurs raisons.
Elle
rappelle d’abord que certaines clauses, dite « clauses noires », sont
interdites dans les contrats conclus par des professionnels avec des
consommateurs, et ce en vertu de la loi, c’est-à-dire sans même que le
juge ait à porter d’appréciation sur les vertus ou non de la clause.
Elle
applique, ensuite, ce principe à un type de contrat, le contrat de
déménagement, particulièrement sujet aux clauses abusives.
En
effet, le consommateur en position de déménager est en effet rendu
encore plus vulnérable par le caractère exceptionnel de ce type
d’opération, souvent générateur de stress et source de possibles
déconvenues.
Le législateur ne s’y est d’ailleurs pas trompé,
puisque ce contrat fait l’objet d’un régime juridique spécifique dans le
Code de la consommation.
L’arrêt vient rappeler que, dans les
contrats de déménagement, quels qu’ils soient, une clause fixant une
indemnité forfaitaire due au consommateur est présumée abusive si cette
indemnité fixée par avance est de nature à réduire le droit à réparation
du préjudice subi par le consommateur, y compris lorsque celui-ci y a
consenti.
En d’autres termes, quand bien même le client
accepterait de conclure le contrat en ces termes, un professionnel ne
peut pas proposer dans son contrat une indemnité tarifaire, du moins pas
si elle se retrouve inférieure à la valeur du bien endommagé.
Il en résulte que le professionnel qui commet une faute ne peut en aucun cas déroger aux règles du droit commun.
La protection du consommateur s’en trouve accrue.
Antérieurement
en effet, la jurisprudence antérieure avait pu admettre de telles
clauses dans la mesure où elles étaient connues et acceptées par le
client, c’était le cas de la Cour de cassation dans un arrêt du 16
novembre 1993, ou de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 24 juin
1982, Ronéo c/ Satemco, même si dans ces cas, elle veillait à un
formalisme strict.
Ce revirement de jurisprudence est tout à fait
logique à la lecture de l’article R212-1 6° du Code de la consommation,
issu de la réforme de 2016, la réglementation n’interdisant pas les
clauses limitatives d’indemnisation auparavant.
L’arrêt ne fait
qu’opérer une interprétation littérale de cet article : la clause est
bien évidemment abusive quand bien même le consommateur y consentirait
en concluant le contrat.
Bien sûr, cette décision ne vaut que si la responsabilité pour faute du professionnel est engagée.
Quelles précautions doivent prendre les consommateurs qui concluent un contrat avec une société de déménagement ?
Plusieurs précautions sont à prendre pour le consommateur, avant, et après la conclusion du contrat de déménagement
Avant
la conclusion du contrat, il ne saurait trop lui être recommander de
faire jouer la concurrence en comparant les prix, mais aussi de lire la
totalité du contrat et de demander pour cela au préalable un devis et
les conditions générales de vente du professionnel.
Il convient également de remplir une déclaration de valeur des biens.
Après la
conclusion du contrat, et en cas de désaccord sur la prestation
réalisée, le consommateur doit immédiatement émettre des réserves à la
réception.
S’il ne le fait pas, il peut encore le faire dans un délai de 10 jours maximum à compter de la réception, en adressant un courrier recommandé avec accusé de réception le plus rapidement possible au professionnel.
Dans la mesure où la charge de la preuve des
inexécutions ou mauvaises exécutions pèse toujours sur le consommateur,
il est essentiel de faire constater, le cas échéant par huissier de
justice, les détériorations et dégradations qui ont pu survenir au cours
du déménagement.
Enfin, le consommateur doit veiller à ne pas perdre
ses droits, en agissant, en tout état de cause, au plus tard dans un
délai d’un an à compter de la réception des biens.
Attention donc aux démarches amiables qui s’éternisent!
Même
si ces démarches amiables peuvent vous éviter un procès, elles peuvent
aussi, si elles s’éternisent, vous faire perdre tous vos droits.
En
effet, le juge ne peut être saisi pour mettre fin au litige que dans le
délai d’un an à compter de la livraison.
Passé ce délai, vous perdez tout droit à agir devant les tribunaux, par application de l’article article L 133-6 du code de commerce).
Déménager, comme défendre ses droits, ne s’improvise donc pas !
CASS. CIV. 1ERE, 11 DECEMBRE 2019, N°18-21.164
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