AGENT COMMERCIAL : MODIFICATION DU PORTEFEUILLE DE L'AGENT COMMERCIAL PAR LE MANDANT MOYENNANT UNE INDEMNITE FORFAITAIRE : EST-CE POSSIBLE ?

Commercial - 13/01/2023

AGENT COMMERCIAL : MODIFICATION DU PORTEFEUILLE DE L'AGENT COMMERCIAL PAR LE MANDANT MOYENNANT UNE INDEMNITE FORFAITAIRE : EST-CE POSSIBLE ?

Le mandant qui, sans volonté de rompre le contrat, reprend un client du portefeuille de l’agent commercial peut se contenter de lui verser l’indemnité forfaitaire prévue par le contrat en pareil cas (Cass. com. 5 octobre 2022 n° 20-16.665)

Les Faits : un contrat d'agent commercial prévoyant une possibilité de modification du portefeuille client


En l’espèce le mandant d’un agent commercial, modifie le secteur de représentation de ce dernier et lui reprend un client, comme l’y autorise le contrat.


N’ayant pas pu proposer à l’agent un autre client équivalent, le mandant lui offre l’indemnité forfaitaire prévue au contrat en pareil cas.


Ce dernier invoque la nullité de la clause qui organise le retrait d’un client par le mandant : selon lui cette clause permet une résiliation partielle du contrat, voire totale si le mandant retire tous les clients, moyennant une indemnité forfaitaire alors que la rupture du contrat d’agence commerciale ouvre à l’agent le droit à une indemnité réparant le préjudice subi et non fixée forfaitairement.


La Cour de cassation rejette le pourvoi en prenant en compte les dispositions du contrat et l’attitude du mandant.


Pour la Cour :


•  Le contrat organisait le retrait d’un client par le mandant de la façon suivante : respect d’un préavis de six mois par le mandant ; indication par écrit des clients repris ; en contrepartie, proposition à l’agent d’autres clients ou prospects présentant un potentiel de chiffre d'affaires équivalent ; en cas de désaccord sur ce dernier point, tentative de solution amiable, le mandant pouvant proposer une indemnité destinée à compenser la perte potentielle de rémunération subie par l'agent du fait de la modification de son secteur ; perte potentielle estimée forfaitairement à 12 mois de commissions versées au titres des contrats ou des clients repris, les commissions étant calculées sur la base d’une moyenne des 24 ou 12 derniers mois selon que le client est dans le portefeuille de l’agent depuis plus ou moins de deux ans ;


•    le mandant n’avait pas souhaité mettre un terme au contrat d'agence commerciale mais seulement revoir le périmètre de la clientèle de l’agent et ce périmètre n'avait pas été modifié de façon conséquente, la clause litigieuse ne dissimulait pas une clause de résiliation du contrat sous couvert du retrait d'un client.


Ainsi cette clause, qui ne prévoyait donc pas une indemnisation forfaitaire du préjudice résultant d'une cessation des relations avec le mandant, n’était pas illicite selon la Cour.

La portée de cette décision


La décision est toute en nuance.

La rupture du contrat est tout à fait possible et à l’initiative de l’une ou de l’autre des parties.


Néanmoins en cas de rupture à l’initiative du mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.


Il est à noter que cette indemnité ne joue plus en cas de faute grave de l’agent commercial.


Cette indemnité ne souffre d’aucune exception, mais plus encore elle ne peut être soumise à une clause fixant par avance et forfaitairement le montant de celle-ci.


Une telle clause serait frappée de nullité, à moins qu’elle ne prévoie une indemnité égale ou supérieure au préjudice subi par l’agent.


Encore faut-il que la clause organise la rupture du contrat d’agence commerciale.

En l’espèce les choses sont différentes dans l'espèce en cause.


En effet, le mandant ne comptait pas mettre fin à sa relation avec le mandataire mais seulement repréciser les contours de son action comme ce que le contrat l’y autorisait.


Le droit positif, à moins de prohiber la modification du portefeuille client de l'agent commercial, ne pose aucune limite à ce type de clause.

Il n’est pas question du versement d’une indemnité pour rupture contractuel, mais bien pour réparation d’un préjudice.


Les juges viennent confirmer la validité de la clause en analysant par ailleurs le comportement du mandant.


Celui-ci ne manifestant aucune volonté de rupture unilatérale du contrat ne versait pas cette somme dans ce but.


A l’inverse si l’analyse du comportement avait conduit à la solution contraire, il est possible de présumer que la décision des juges aurait été de considérer cette clause comme nulle car déguisant une clause forfaitaire d’indemnité.

Dès lors cette décision est intéressante à plusieurs titres.


D'abord, elle énonce que la modification du portefeuille de l'agent commercial peut être possible, sous réserve néanmoins :


- d'avoir été envisagé contractuellement,

-de prévoir des mécanismes de compensation,

-de ne pas être actionnée de mauvaise foi et donc de manière abusive.


Elle vient ainsi conforter l’idée du contrat en tant que loi des parties. Les professionnels peuvent donc rédiger des clauses comme présentée ici mais avec le souci de prévoir des garanties, tel que remplacer le client débauché ou de versé d’une indemnité forfaitaire. Car c'est bien dans le cas précis de la modification du portefeuille du mandataire que la question de cette clause se pose.


Les mandants ne doivent pas percevoir cette décision comme la possibilité de stipuler ce genre de clause pour toute chose mais exclusivement pour la modification du portefeuille. En effet le risque est de venir tomber sou le coup de la nullité légale d’une indemnité forfaitaire.


Ensuite, tout en rappelant que la clause d’indemnité de réparation du préjudice ne peut être forfaitaire, elle indique qu’une clause indemnitaire forfaitaire pour la réparation d’un préjudice subi par le mandataire peut exister, à condition qu’elle ne soit pas inférieure à la valeur de l'indemnité qu'aurait pu percevoir l'agent.


Cette décision est donc tout en nuance.


Et c'est peut-être là que le bas blesse.


En effet, le réalité des relations contractuelles ne s'accorde pas toujours très bien avec les solutions juridiques complexes et nuancées.


Et il pourrait être difficile de tracer une frontière claire entre une modification légitime du portefeuille de l'agent commercial par le mandant, et une remise en cause abusive de la carte et du territoire de l'agent commercial, pouvant provoquer une rupture du contrat d'agent commercial autour du mandant.


Seul l'avenir nous le dira.

NOUS CONTACTER :


Maître Charlyves SALAGNON, Avocat associé au sein du cabinet BRG Avocats (Nantes-Paris), et responsable du département droit commercial vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges portant sur les contrats d'agents commerciaux.

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